« Qui n’a jamais rêvé un jour de voler ? La possibilité de se déplacer librement d’un point à un autre. Lorsqu’on m’avait raconté l’histoire du jeune Icare qui, enthousiasmé et émerveillé par tout ce qu’il voyait depuis le ciel grâce à ses ailes fabriquées par son père Dédale, je m’endormais le soir en imaginant que j’étais un oiseau. À mon tour, je jouais avec le vent et je défiais les lois de la pesanteur. Comme les héros des comics, j’avais le sentiment de posséder un super pouvoir. Quel bonheur c’était ! Dans 2152, c’est devenu possible… »
Extrait n°6 du roman 2152 :
Théo Boz attendait avec impatience le signal sonore qui confirmerait la liaison de la fibre artificielle avec un nerf de l’oiseau… Dans quelques secondes, si tout se passait bien, ils sauraient si la commande neuronale était opérationnelle ou pas.
— Ça sonne ! hurlèrent-ils de joie, en entendant la musique témoin.
Le contact enfin établi, le logiciel de l’appareil envoya instantanément ses signaux codés pour tenter de perturber le lobe frontal du cerveau de l’échassier…
— C’est complètement dingue ! s’exclama le professeur qui fixait l’écran de son casque… Je… Je vois à la place de l’oiseau !… C’est inouï !
Sur le panneau sphérique de la cabine de pilotage était retransmis en direct ce que percevait le professeur autour de lui. Toute l’équipe pouvait désormais, suivre le regard de l’oiseau par son intermédiaire.
— Allez-y, Professeur ! lui suggéra Rita… Normalement, vos pensées et vos souhaits doivent commander les gestes du héron… Dorénavant, c’est votre cerveau qui donne les ordres.
Le champ de vision de l’échassier était impressionnant… C’était une vue panoramique bilatérale, dotée d’une acuité visuelle de haute précision. Théo Boz considéra les pattes de l’animal qui reposaient au sol et celui-ci abaissa sa tête comme il l’avait désiré. Il fut étonné de distinguer avec netteté, tous les éléments en suspension dans l’eau et observa les poissons qui se déplaçaient entre les plantes aquatiques, sans être gêné par les reflets de surface.
— Aspirez-vous à ce que l’on prenne un peu d’altitude ? proposa-t-il, euphorique, à ses compagnons.
Il décida de s’élever dans les airs…
Sous les yeux ébahis de ses coéquipiers, le héron écarta ses ailes puis les secoua vivement pour quitter la zone humide de l’étang. Le professeur Boz opta d’abord pour un vol gracieux, au-dessus du lac. L’oiseau tendit ses pattes à l’horizontale et replia son cou pour dessiner un « S ». Ses battements d’ailes étaient lents et réguliers. Souvent, le héron arrêtait de les agiter et profitait de son élan pour planer un court instant. Le ciel bleu parsemé de nuages se reflétait dans le lac en dessous d’eux et ils pouvaient observer, au premier plan, la superbe silhouette claire de leur nouveau vaisseau vivant qui se réfléchissait également à la surface. En avant, le bec orangé suivi d’un long cou gris ; dans le prolongement, le ventre blanc rayé de noir puis enfin, les pattes fines et dépliées qui reprenaient la couleur du bec…
Ils arrivaient déjà à l’extrémité du plan d’eau quand Théo Boz engagea l’oiseau au-dessus des arbres qui l’entouraient. Ils montèrent aisément dans les airs et dominèrent rapidement la forêt verdoyante.
— Nous sommes à cent mètres de hauteur ! l’informa Tseyang qui suivait toujours les différents cadrans du tableau de bord.
Le professeur s’orienta à présent en direction du QG et se laissa descendre sans dévier de sa trajectoire. L’envergure de l’oiseau atteignait presque deux mètres et il filait maintenant à toute vitesse vers la base.
— Cinquante kilomètres à l’heure ! indiqua Tseyang.
Les membres de l’équipage écarquillaient les yeux en contemplant le paysage qui défilait devant eux. Grisés par la vitesse, alors qu’ils pourfendaient l’air, ils ne savaient plus très bien s’ils faisaient un songe ou s’ils étaient toujours dans la réalité… Cette formidable invention leur permettait d’atteindre aujourd’hui l’un des plus grands rêves de l’humanité : le pouvoir de voler.
— Je vole ! pleura de joie Théo Boz… L’oiseau vole… Je suis l’oiseau… Je vole !